PRÉMATURITÉ : Mieux prendre en charge la douleur de nos bébés.
PRÉMATURITÉ : Mieux prendre en charge la douleur de nos bébés.
Vivre la prématurité impacte profondément les nouveau-nés et leurs familles. Même si la majorité des bébés nés plus tôt sont hospitalisés moins de 3 semaines, certains vivent plusieurs mois en unités de soins néonatals (dits de niveau II ou III fonction de la complexité de prise en charge). Même si de grandes avancées ont été faites depuis 20 ans, ils sont exposés à des sollicitations forcément plus importantes que s’ils étaient toujours dans le ventre de leur maman.
Une étude récente menée par une équipe de pédiatres néonatologistes du Karolinska Institutet, en Suède, (Janvier 2025) met en lumière l'importance particulière de la prise en charge adéquate de la douleur pour ces bébés vulnérables.
Une prise en charge inadéquate
Selon cette recherche, les bébés prématurés, subissent des niveaux élevés de douleur durant le mois suivant leur naissance, et ce, presque quotidiennement. 90 % des nourrissons extrêmement prématurés sont soumis à des interventions douloureuses, allant des soins respiratoires à l'alimentation par sonde, en passant par l'insertion de cathéters. Ces procédures, bien que nécessaires, peuvent causer une détresse considérable aux bébés, accentuée par le fait qu'ils ne peuvent pas exprimer leur douleur de manière verbale.
L’auteur principal de l’étude, le Dr Mikael Norman, souligne une réalité préoccupante : les bébés les plus exposés à la douleur reçoivent moins fréquemment de morphine pour soulager leurs souffrances. Cette situation présente un risque de sous-traitement, d'autant plus que l'administration de médications comme la morphine doit être soigneusement contrôlée, en raison des effets secondaires potentiels sur la tension artérielle déjà basse de ces nourrissons.
L’importance de l'évaluation de la douleur
Un des grands défis auxquels sont confrontées les équipes soignantes est l’évaluation de la douleur chez les bébés prématurés. Bien que des évaluations régulières soient effectuées, identifier la douleur chez ces nourrissons demeure une tâche complexe. Les expressions comportementales, bien que parfois révélatrices, nécessitent des outils d'évaluation appropriés et précis.
C’est dans ce contexte que l’échelle de Brazelton prend toute son importance. Cet outil, développé pour observer et évaluer les comportements des nourrissons, se révèle particulièrement utile pour diagnostiquer les niveaux de douleur chez les bébés prématurés. En offrant une méthode structurée pour interpréter les signaux comportementaux, l'échelle de Brazelton permet aux professionnels de mieux comprendre les besoins spécifiques des bébés en détresse, car il est devenu impératif d'explorer des protocoles de traitement plus sûrs. En associant différentes approches thérapeutiques, notamment en combinant plusieurs types de médicaments qui présentent moins d'effets secondaires, nous pouvons offrir une prise en charge plus adaptée et efficace. En améliorant notre capacité à évaluer et à traiter la douleur des bébés prématurés, nous soutenons leur bien-être et favorisons leur développement dans ces moments critiques.
Environnement sonore : un facteur de stress ?
En plus de la douleur physique, l'environnement en néonat, avec le bruit des différents appareils, représente une autre source de stress pour les bébés prématurés. Une étude de l’Université de Vienne révèle que les incubateurs, bien qu’ils jouent un rôle crucial dans les soins néonatals, peuvent produire des niveaux sonores encore élevés, qui risquent d'endommager l'audition des bébés. Les sons aigus et les résonances créées par les manipulations des incubateurs peuvent entraîner un risque accru de déficience auditive, ce qui peut avoir des conséquences sur le développement futur de ces enfants. Dans les années 1970, environ 40% des bébés prématurés avaient des soucis d’audition (source: Soins de développement - CHU Sainte Justine) à cause des décibels dus au fonctionnement des machines, dans les services à l’époque.
Quelles sont les grandes voies d’amélioration appliquées ?
Le rôle bénéfique de la voix maternelle
Plusieurs recherches révèlent que la voix maternelle joue un rôle crucial dans la réduction de la douleur chez les bébés prématurés. Entendre la voix de leur maman crée un sentiment de sécurité et de réconfort, aidant à apaiser leurs craintes et à diminuer leur perception de la douleur.
Lorsqu'un parent mange, dort, se lave ou qu'une intervention a lieu sur le bébé, il est essentiel de permettre à ce dernier d'entendre, même de manière adaptée à ses petites oreilles, la douce voix de sa maman.
C’est de cette expérience vécue par Aurore SAINTIGNY qui l’a inspiré à créer CaliNange.
C'est bien à ce moment-là que ce dispositif, qui se veut le gardien du lien parent enfant, peut apporter une aide précieuse. En le favorisant, CaliNange permet aux mamans d'interagir avec leur bébé de manière apaisante et sécurisante, tout en établissant un environnement sonore réconfortant. L'implication des parents dans ce processus est essentielle, car leur soutien émotionnel contribue de manière significative au bien-être de leur enfant.
Un autre bel exemple de cette approche, est celui d’Aline Martin, mezzo-soprano, qui, environ une fois par mois, quitte les planches de l'Opéra de Lorraine pour venir au chevet des bébés prématurés dans le service de néonatalogie de la maternité du CHRU de Nancy. En chantant des comptines, des berceuses ou des gospels, elle apaise non seulement les enfants, mais encourage également les parents à chanter avec eux, renforçant ainsi le lien affectif entre parent et enfant.
Une approche intégrée
Il est essentiel de prendre en compte à la fois la gestion de la douleur et l'environnement sonore pour optimiser les soins aux bébés prématurés. En intégrant une approche centrée sur la famille qui valorise le confort et le bien-être du nourrisson, nous pouvons non seulement alléger leur douleur, mais aussi favoriser un développement harmonieux à long terme. Les parents, souvent les premiers à ressentir l’inquiétude face à la douleur de leur bébé, doivent être impliqués dans le processus de soin, afin de renforcer le lien parent-enfant et de permettre un environnement de soutien.
Le chercheur Pr Pierrick Poisbeau et son équipe de l’hôpital de Strasbourg-Hautepierre ont étudié l'impact de la prise en charge hospitalière en unité de soins intensifs sur les nouveau-nés prématurés. Leurs recherches, récompensées par un prix de l’Institut de France, soulignent l'importance du rôle des parents dans la réduction du traumatisme lié à l'hospitalisation. Des pratiques telles que l'allaitement, le contact peau à peau et la réduction des stimuli agressifs contribuent significativement à apaiser ces bébés. Ces approches, déjà adoptées dans certains pays nordiques comme la Suède, favorisent un soin centré sur le développement de l’enfant et son environnement familial.
Les travaux du Pr Poisbeau ne s'arrêtent pas là : il explore également l'utilisation de l'ocytocine, une hormone connue pour ses effets positifs sur le bien-être, dans la gestion de la douleur des nouveau-nés. Cette recherche pourrait non seulement améliorer la prise en charge de la douleur chez les prématurés, mais aussi offrir des perspectives pour le traitement des douleurs chroniques chez les adultes, un enjeu majeur de santé publique. En prônant une médecine intégrative, le Pr. Poisbeau met en avant la nécessité de prendre en considération la douleur globalement pour une meilleure qualité de vie.
Il reste encore beaucoup à faire pour améliorer la prise en charge de la douleur chez les bébés prématurés. Par des évaluations rigoureuses, un traitement adéquat et une attention portée à leur environnement immédiat, nous pouvons transformer l'expérience hospitalière des tout-petits. Continuons à œuvrer tous ensemble, familles et soignants, pour que chaque bébé prématuré reçoive les soins appropriés et l'attention qu'il mérite, pour un avenir plein de promesses.