L'importance du lien Parents - Soignants

Ce n’est pas habituel, mais pour ce sujet qui me tient particulièrement à cœur, je vous partage une anecdote personnelle pour vous illustrer l’importance de la relation parent- soignant dans le cas d’une naissance prématurée.

Nous sommes à 2 semaines de, enfin, rentrer à la maison avec notre bébé. L’heure est aux préparatifs de sortie avec quelques achats avant d’aller à l’hôpital.

Aurore : « Oui, bonjour, c'est Mme Saintigny, c’est Céline qui doit s’en occuper aujourd’hui.” 

L’infirmière : « Céline a dû changer de poste, c’est moi la remplace. »

Aurore : “Je voudrais des nouvelles de mon bébé ? »
L’infirmière : «  C’est qui votre bébé ?  »
Aurore : « C’est A. »
L’infirmière : « Je l’ai pas vu. Attendez, je prends son classeur. Alors. Oui, elle a bien dormi, elle n’a pas eu de soins à 6h.»
Aurore : « Euh… C’est un petit garçon. »
L’infirmière : « Elle dormait à 9h, je ne l’ai pas vu donc je ne peux pas deviner. »
Aurore  : « Je viens de vous dire que c’est un petit garçon ! »

Voilà comment, en moins de deux minutes, on passe de la confiance envers les soignants qui prennent soin de votre bébé hospitalisé, au stress le plus total. Branlebas de combat, pour aller immédiatement auprès de lui puisque l’infirmière qui devait s’en occuper et que je connaissais a été remplacée par une autre.

Cette anecdote, vécue, ne reflète absolument pas les merveilleuses relations que l’on tisse avec les soignants de néonatologie. Pour autant, je n’oublierai jamais cette matinée glaçante.

Les liens de confiance, d’apprentissages, et de soins que l’on développe avec les soignants de son enfant sont primordiaux pour vivre le mieux possible (ou le moins pire possible) le temps de vie à l’hôpital.

En tant que maman, nous confions notre enfant aux soignants, infirmières puéricultrices, auxiliaires de puéricultures, médecins, ou kinésithérapeutes.
Cette relation, dans un contexte déjà très anxiogène, doit être une force et un soutien.
C’est pourquoi, avoir des interlocuteurs connus et réguliers, avec une organisation du temps de travail qui permet de passer de longs moments avec eux, est une des bases des soins de développement bénéfiques aussi bien pour le bébé que pour les parents.

 

Nous avons sollicité 3 infirmières pour témoigner sur le sujet.
Virginie, infirmière-puéricultrice, qui a exercé 7 ans dans des CHU de l'APHP en médecine néonatale (de la réanimation à l'unité conventionnelle) et en réanimation pédiatrique, puis 10 ans au sein d'un pôle femme-mère-enfant d'un CH de province (urgences pédiatriques, pédiatrie générale et néonatalogie 2B). 

Patricia, infirmière puéricultrice depuis 22 ans, en unité de réanimation néonatale et kangourou. Elle a exercé 10 années en France à Bayonne, et depuis 12 ans à Tahiti.

Charline, infirmière depuis avril 2011 et infirmière puéricultrice depuis décembre 2013 en réanimation néonatale, dont 4 années au CHU Ste Justine de Montréal, avant de revenir en France au CHU d’Angers.

 

En tant que parents, nous sommes plongés dans un univers inconnu, qui recèle d’une multitude d’informations à retenir, alors que nous sommes totalement submergés par les émotions qu’engendre une naissance prématurée.
Malgré cela, nous devons vite les dépasser, car le rôle des parents est essentiel dans le suivi des soins du bébé.

« Depuis toujours sensibilisée aux soins de développement, et en 17 ans de carrière, j'ai vu l'évolution des prises en charge néonatale, notamment en tendant à l'individualisation des soins, grâce à l'implication plus importante des parents comme partenaires dans les prises en charge de leur bébé. La qualité de la triade soignants-parents-enfant impacte la qualité de la prise en charge globale. » Virginie

Au-delà des soins eux-mêmes, c’est tout un environnement qui doit être créé pour que les relations parents / soignants soient apaisés, dans le but de dispenser des soins bénéfiques.
Comment le faire, lorsque les parents voient défiler autour de leur tout-petit, une multitude de personnes ?
Il est primordial d’instaurer une relation de confiance avec les soignants que nous retrouverons chaque jour, pour les soins et les examens de notre bébé.
Il n’y aura qu’ainsi que ce lien parent / soignant pourra s’épanouir sereinement.

« Pour moi, l’essentiel de la prise en charge dans ces services repose, non pas sur les techniques réanimatoires, mais bel et bien sur le confort et le bien-être du nouveau-né et ses parents.
Il faut garder à l’esprit que la néonat est un lieu de poursuite de la grossesse.
C’est pour cela qu’il est indispensable de créer une bulle cocoonante, aimante et apaisante tout autour du bébé.
Peu importe la technique employée, si vous ne créez pas cela, vous ne pouvez pas offrir des soins durables de qualité.  En remettant le bien-être au centre du soin, on permet à ce bébé et à ses parents de vivre au mieux cette hospitalisation.
L’enfant est une véritable éponge émotionnelle, ce qui implique que les personnes intervenant autour de lui soient des plus « zen ». Cela veut dire, qu’aujourd’hui, il faut véritablement que les parents, mais aussi les soignants soient également pris en charge pour favoriser un environnement apaisant. » Patricia

© Patricia, infirmière puéricultrice en unité de réanimation néonatale et kangourou (Tahiti)

Les parents ne sont pas les seuls à avoir besoin d’un cadre plus paisible.
Les soignants, qui ont souvent des horaires difficiles, doivent faire face à de nombreuses difficultés au quotidien.
Les changements d’équipes, le rythme de travail… tant de facteurs qui peuvent, parfois, peser sur l’ambiance de travail.

“Certains rythmes de travail où les roulements se chevauchent, y compris l’alternance jour / nuit, ne favorisent pas l’instauration des liens de confiance entre soignants et parents.
Au contraire, ils génèrent un facteur supplémentaire de stress face à la découverte d’un soignant inconnu.
L’organisation en équipe A & B, de jour et de nuit, permet de projeter un planning avec des soignants déjà rencontrés et d’assurer un peu de stabilité dans un quotidien qui ne l’est absolument pas.
Il faut comprendre que pour nous, parents, les soignants de nos enfants sont un prolongement de nous-même, et qu’il est impossible de ne pas être en pleine confiance avec eux, surtout lors d’hospitalisations longues et éprouvantes.” Aurore

“Le turn-over des équipes avec beaucoup de soignants peu expérimentés (complexité de recrutement) impacte la qualité des soins. » Virginie

Alors qu’ils aimeraient pouvoir se consacrer plus longtemps à leurs petits patients, et d’être plus en accompagnement des familles, le manque cruel de personnel se fait sentir, et la possibilité de passer véritablement du temps pour les connaître et accompagner, devient mission quasi impossible.
Il est urgent, pour le bien-être de tous en néonat, de confier parents et enfants à des soignants qui seront auprès d’eux du début de l’hospitalisation jusqu’au retour à la maison.

« Pour sécuriser également les parents, ces derniers ont besoin d’avoir des soignants référents qui s’occupent de leur bébé. Cela permet une meilleure connaissance de leur enfant, mais aussi d’améliorer cette bulle zen en créant de la sécurité et de la confiance au sein de la triade du soin bébé/parents/soignants.

Le soin au bébé reste bien entendu la priorité du soignant, mais le lien parents/soignants ne doit pas être négligé, il consolide la base de toute cette belle et douce prise en charge.
"Le confort des soignants lui passe par : avoir du temps pour organiser au mieux les soins en fonction du rythme du bébé et de la présence parentale (effectif renforcé nécessaire, formation élargie et régulière, organisation du service autour de ce rythme). Il passe aussi par leur soutien émotionnel et le soulagement des tensions physiques (espace bien être). » Patricia

« Les familles nous demandent souvent quel seront les soignants qui seront là les heures suivantes. Ils s'accrochent à des repères, à des liens de confiance déjà tissés. Tout comme à l'inverse, les soignants apprécient de suivre les enfants qu'ils connaissent. » Virginie

 

En France, ce sont près de 60 000 bébés qui naissent prématurément.
Un nombre qui, même s’il a tendance à stagner, reste bien trop important.
Les hôpitaux n’ont pas toujours les capacités de suivre, à cause d’infrastructures parfois vétustes.
Il est intéressant de s’inspirer de nos voisins européens, comme la Suède,  pour le suivi de nos petits prématurés en dehors des hôpitaux (Le Ministère de la Santé a lancé une grande étude sur le Suivi à domicile des bébés prématurés).
Autre conséquence de cette latence ? Nous manquons de personnel dans les services de néonatologie !
Les soignants doivent alors se dédoubler pour s’occuper de leurs petits patients, et passent bien moins de temps avec leurs parents que ce qu’ils souhaiteraient !

« Au sujet du rythme de soins, celui-ci est de plus en plus important et lourd. En effet, les avancées sur la prise en charge réanimatoire des prématurés et l'abaissement du seuil réanimatoire (de 25 SA à 23 SA), implique une occupation plus longue et plus intense des unités néonatales.
La loi qui donne les ratios patient-infirmier en néonatalogie n'a pas suivi cette avancée de la prise en charge. Le nombre de chambres par unité n'a pas non plus augmenté alors que nous constatons une occupation souvent supérieure à 90% voire qui monte à plus de 100% par moment.
Évidemment, cette occupation a sans nul doute des conséquences sur la prise en charge et sur la vigilance, malgré tout l’engagement des soignants à donner le meilleur. D'autant plus qu'il nous est aussi demandé de faire le ménage des chambres, parfois en urgence, en plus des soins aux patients et de l'accompagnement des familles.
L'accompagnement est tellement important et pourtant rarement pris en compte dans le temps passé auprès d'un patient et sa famille.
L'accompagnement est la première chose qui souffre lorsque la charge de travail est lourde, car le temps passé au chevet du patient est raccourci.  Cet entourage est d'autant plus important que la prématurité s'accompagne de hauts et de bas, de deuil (de l'enfant ''parfait'', de l'enfant ''sain'') et que l'hospitalisation s'étale sur plusieurs mois. » Charline


Afin de maintenir une qualité de soins et faire reculer la mortalité infantile en France, agissez, chacun à votre niveau, pour réorganiser le temps et les modalités de travail dans ces services d’accompagnement vers la Vie.

CaliNange et la team Calinescence, toujours aux côtés des parents et des soignants pour aider au Prendre Soin d’Aimer !

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